Depuis le déclenchement de la guerre à Gaza, puis au Liban, et avec l’escalade des bombardements et des destructions, des scènes horribles sont projetées quotidiennement à la télévision. Il est à craindre que les meurtres et les convois de gens déplacés ne deviennent partie intégrante de la vie quotidienne au Liban, conduisant au gel des consciences et à la perte du sens de l’humanité. (Lire ici la suite)

Au milieu de cette amère réalité, comment des étudiant·es de l’Université Académique pour la Non-Violence et les Droits Humains (AUNOHR) ressentent-ils/elles la guerre ? Comment leurs attitudes ont-elles été affectées après avoir étudié la non-violence ?

 

Ces libres expressions proviennent de personnes implantées dans diverses régions du Liban. Dans un pays où la guerre revient, la meilleure option reste de s’accrocher à notre humanité, de travailler et de lutter pour ne pas laisser les forces de mort diriger les vies. Écoutons ces voix, car celle de la violence n’est pas la seule sur le terrain.

 

 

Abir : Tristesse et impuissance face à la guerre. 

Originaire de la banlieue sud de Beyrouth (zone en majorité anéantie par les frappes israéliennes depuis septembre 2024), spécialisée en psychologie, elle décrit son état d’âme en ces termes : « Je me sens très triste et impuissante. » Abir se demande comment apporter de l’aide, et déclare : « Troublée par l’ampleur de la violence qui m’entoure, j’aimerais mener une étude sur la violence et l’agression, sur la manière dont elles sont générées chez les individus, pas seulement chez les militaires mais même chez les civils. » Et elle poursuit : « Je suis devenue convaincue que la non-violence est la solution idéale à tous les conflits, après avoir constaté l’ampleur de la destruction et que la technologie, nommée à tort « progrès », est utilisée pour détruire les humains. »

 

Mounjed : Les enfants et les victimes de la violence. 

Enseignant dans le cycle secondaire, se déplaçant presque chaque jour en tant que volontaire dans l’action de solidarité, entre la ville d'Aley dans le Chouf au Mont-Liban (à majorité druze) et la ville de Kfeir dans le Sud (chrétiens et druzes entourés par une majorité chiite), Mounjed partage sa douloureuse expérience : « J'ai vu une femme confuse essayer de donner un bain à son bébé de sept mois, qui souffre d'asthme, alors elle a mis une bassine d'eau au soleil pour la chauffer. Cette image m’a touchée profondément. »Et il poursuit : « Ce qui me blesse le plus, c’est que ces gens ont perdu leur identité et le sens de leur existence. Ils tentent de survivre dans un monde qui les considère comme de simples chiffres de déplacés ! » Et il ajoute : « La violence détruit à la fois le tueur et la victime, tandis que la non-violence restaure la valeur humaine. »

 

Gabriella : S'inquiéter mais travailler pour les autres.

Habitant au Kesrouan - Mont Liban (une région à majorité chrétienne, à l’abri des bombardements, mais accueillant des milliers de déplacés), spécialisée en psychologie, Gabriella exprime un sentiment d'anxiété croissant : « Je crains pour notre vie et pour ceux que nous aimons. C'est comme si nous étions devenus des machines, incapables de penser ou de nous concentrer sur quoi que ce soit. » Son expérience de travail auprès des personnes déplacées reflète un changement de vision : « Quand j’ai commencé à travailler dans l’équipe d’accompagnement, j’ai vu à quel point la solidarité humaine est essentielle pour reprendre le sens de la vie. J'ai appris qu'il existe des alternatives à la violence, après avoir rejoint l'Université AUNOHR, et mes pensées sont devenues plus claires et plus accueillantes pour chaque être humain. »

 

Édith : De la colère à la compassion. 

Animatrice de théâtre scolaire à Zahlé (une principale ville de la Bekaa à l’Est du pays, majoritairement chrétienne), Édith raconte ses sentiments fluctuants : « Au début, j'étais très en colère, je blâmais les déplacés et leurs décisions de quitter leur environnement, comme le groupe politique qu’ils soutiennent. Puis j’ai commencé à comprendre leurs inquiétudes. » Après avoir étudié la non-violence, elle dit qu’elle s’est plongée beaucoup plus dans l’empathie : « Je vois l'humain en eux. Je me rends compte que nous ne les connaissons pas, pas plus qu'eux ne nous connaissent. » Elle exprime sa volonté d’agir et d’être efficace : « Aussi, nous avons accueilli des familles dans notre maison ; j’ai aidé ma famille à trouver des logements pour les déplacés, même si certains dans ma région ne sont pas très coopératifs car ils rejettent ‘’l’autre différent’’. »

 

Naji : Des tragédies de la guerre à la conscience de la non-violence. 

Formateur et coordinateur de programmes dans des organisations civiles, originaire du Sud du Liban, Naji a vécu lui-même l’épreuve de déplacements 13 fois dans sa vie à cause des conflits et guerres… Il dit : « La guerre ce n’est pas nous, il s’agit plutôt de décisions prises ’’en haut’’. Nous en sommes le maillon le plus faible. » Il confirme : « Lors de la guerre de juillet 2006, la guerre d’Israël contre le Liban et le Hezbollah, cela a été l’expérience la plus difficile pour moi, car je ne me sentais plus en sécurité. Mais au plus profond de moi-même, j’ai décidé de surmonter mes peurs. » Naji souligne l’importance de tirer les leçons de ces expériences surtout lorsqu’on découvre la non-violence : « Depuis, je me suis tenu à l’écart des idéologies qui appellent à la violence, puis j’ai mis toute ma confiance en l’humanité. »

 

Mirna : L'espoir dans la non-violence.

Habitant au Sud du pays, décidant d’y rester avec sa famille dans cette zone frontalière sous le feu, éducatrice dans une école publique, Mirna parle de l'impact dévastateur de la guerre : « Je me sens très triste quand je vois des gens obligés de fuir leurs maisons et devenir des déplacés dans leur propre pays ! Tous leurs souvenirs et leurs rêves s'envolent en un instant. » Elle ajoute : « Dans ma ville, les gens ont ouvert spontanément leurs maisons aux personnes déplacées ; ceci met en évidence notre humanité, même face à des conditions difficiles et surtout face à des divisions politiques. » Elle est convaincue que « la non-violence, à elle seule, redonne l’espoir en l'avenir ».

 

Hala : L’absurdité, la brutalité et l’incroyable solidarité.

Coordinatrice des affaires des étudiant·es a AUNOHR, activiste non-violente, habitant dans le Chouf au Mont-Liban, et ayant été marquée par la guerre civile dans son enfance, Hala dit : « Ce n'est pas la première fois que je vis la guerre, ni la première fois que je ressens la peur et l'insécurité. La violence nous envahit à nouveau, et nous nous retrouvons toute la journée devant la télévision pour suivre les nouvelles ou sur notre téléphone pour prendre des nouvelles de nos proches après chaque bombardement. Le pire dans la guerre, c'est qu'elle nous empêche de penser de manière rationnelle, nous plongeant dans des émotions négatives telles que la haine, le fanatisme, la peur et le désir de vengeance. Cependant, Hala révèle aussi la bonté qui réside en chaque être humain, montrant que, peu importe l'intensité de la violence, elle ne peut pas triompher de la bonté qui existe en chacun. Cela se manifeste dans la solidarité incroyable entre les gens, chez les milliers de volontaires qui consacrent leur temps à aider les déplacés, en leur fournissant nourriture, boissons, soins médicaux et un abri sûr.

Cette guerre, par sa brutalité, m'a fait prendre conscience de l'importance et de la nécessité de la non-violence comme unique option pour construire une paix véritable qui respecte notre humanité et celle des autres. Plusieurs se trouvent coincés entre un sentiment d'impuissance et un désir de vengeance, mais il existe toujours une lueur d'espoir et de force, ainsi qu'une reconnaissance de la valeur de la vie. Cela résulte de la prise de conscience qu'il y a une troisième option humaine : celle de la lutte non-violente.

 

Appel aux dons

 

Cet appel est lancé par l’Association Libanaise pour les Droits Civils (LACR), une des branches de l’université AUNOHR. La situation du Liban est désespérée. Ce pays déjà en faillite, où près de 44% de sa population vit en dessous du seuil de pauvreté, est en proie à des bombardements intensifs. Des milliers de civils tués, blessés et disparus sous les décombres. On dénombre près d’un million de déplacés venant du Sud-Liban, de la Bekaa dans l’Est du pays et des banlieues de Beyrouth, qui n’ont nulle part où se réfugier. Des écoles et centres d’abri en hébergent une partie, des maisons privées accueillent d’autres, et beaucoup vivent dans la rue. Nous sommes dans l’urgence. Et quand les agressions s’arrêteront, les déplacés resteront dans le besoin en attendant la reconstruction pour pouvoir rentrer chez eux. Pour faire face à toutes les nécessités humanitaires, l’association LACR lance un pressant Appel aux dons international. 

Votre aide sera profondément appréciée. L’humanité nous unit partout dans le monde.

 

Veuillez utiliser ce lien pour envoyer votre don, c’est simple. Vous trouverez le texte en anglais et en bas la version française.

https://fundahope.com/en/campaigns/in-solidarity-with-lebanons-displaced

 

L’Association Libanaise pour les Droits Civils (The Lebanese Association for Civil Rights – LACR), une des principales organisations des Droits de l’Homme au Liban, est lauréate du Prix de la République Française des Droits de l’Homme 2005 pour son combat pour l’abolition de la peine de mort.

La LACR a été fondée en 2003 comme continuité d’une action vécue depuis 1983, au cœur de la guerre civile, par deux penseurs et militants non-violents, Walid SLAYBI et Ogarit YOUNAN, lauréats du Prix Gandhi International 2022.

En 2014, les fondateurs de LACR ont réussi à concrétiser leur rêve, en créant l’Université Académique pour la Non-Violence et les Droits Humains (AUNOHR), unique de son genre au Liban et dans le monde.