Qu’il l’accepte ou non, Edmond Siméoni est considéré de nos jours comme le père du nationalisme corse. Sa vie militante et ses prises de positions morales et politiques continuent d’être considérées avec respect, même par ses adversaires.
ANV : Lors de la seconde Université de la non-violence, organisée le 13 juillet 2013 à Aléria par la Fondation de Corse, je vous ai entendu dire en plénière : « La non-violence doit retenir toute notre attention » ; « L’alternative non-violente est désormais pour les Corses le seul moyen de se faire entendre » ; « La non-violence offre des possibilités inouïes pour agir concrètement. » Depuis quand êtes-vous entré dans ces certitudes ?
Edmond SIMÉONI : Le choix, réfléchi, de la médecine comme profession puis son exercice m’ont appris à soigner, prévenir, apaiser et non pas à détruire. J’ai toujours eu une véritable allergie à l’injustice et à la violence. J’admire Gandhi, Luther King, Mandela, les personnalités humanistes comme mère Theresa, Saint François d’Assise, les savants comme Pasteur et pas les chefs de guerre comme Alexandre ou Napoléon.
Engagé depuis 1960, dans un dur combat contre la France et son État, j’ai pu mesurer le cynisme colonial, l’inégalité des forces, la négation de la démocratie, la sévérité de la répression à travers des justices d’exception et les attentats des polices parallèles de Francia 1 — nous en avons subi 62 avec la bénédiction de la République française —. A posteriori, j’ai mieux compris comment la France avait exploité et martyrisé les peuples colonisés au mépris de son auto-proclamation permanente de phare des libertés, de conscience universelle des droits de l’homme.
Je n’ai jamais confondu le peuple français avec l’État ; dès 1987, nourri de la recherche de solutions non-violentes, j’ai effectué mon autocritique — je n’ai pas suscité de vocations — et j’ai choisi le camp exclusif de l’action publique.
ANV : Votre conférence-débat de juillet dernier, à Aléria, a ému beaucoup de personnes. Aléria n’est pas pour vous une ville comme les autres. Le 21 août 1975, vous avez été à la tête d’un commando de douze personnes qui a occupé illégalement à Aléria une cave viticole pour protester contre une escroquerie qui menaçait de ruiner des centaines de petits viticulteurs. L’opération s’est soldée par la mort de deux gendarmes. Pouvez-vous faire succinctement le récit concret de cette opération ?
E. S. : La France a abandonné la Corse jusqu’en 1957. Puis, elle a mis en place deux sociétés d’économie mixte, la Somivac et la Setco qui ont été détournées de leur objectif et qui ont laissé le peuple corse sur le bord de la route. Depuis 1965, notre peuple a inauguré une période de résistance contemporaine. Aleria, en fait est le point d’affrontement inéluctable entre deux volontés féroces : celle du colonialisme français et celle du droit exacerbé à la vie et à la liberté de notre communauté. « Communauté de destin — Corses d’origine et Corses d’adoption », fondus dans la même entité nationale qui, à travers la diversité de ses enfants, a la volonté de vivre et de construire un avenir ensemble, dans le cadre euro-méditerranéen.
Après la conquête militaire de 1769, la France a utilisé la Corse comme un réservoir d’hommes pour ses guerres, sa fonction publique métropolitaine et coloniale ; la contestation s’est organisée, enracinée. Paris a fait la sourde oreille ; il a soutenu et enrichi l’adémocratie : fraudes électorales insensées ayant ruiné la démocratie et extrémisé la jeunesse, clientélisme honteux. La Justice, bafouée, est devenue le bras séculier du colonialisme. Les justices d’exception discréditent la France ; le procès Colonna a déconsidéré le fonctionnement policier et judiciaire français. Cela dépasse l’entendement.
La volonté de réprimer, de faire un exemple à Aléria a pris le pas sur la raison comme en atteste la mise en place d’un dispositif militaire surdimensionné : 1 200 gendarmes et policiers, huit hélicoptères Puma, un bateau de guerre, des engins blindés ; toutes les communications avec la cave dont nous avions pourtant précisé que l’occupation était temporaire, ont été coupées et nos multiples demandes de dialogue refusées. Paris a fait le choix de la force et de l’éradication définitive de la contestation insulaire; ils ont utilisé des armes automatiques, des fusils mitrailleurs ; un militant a eu un pied arraché par une grenade offensive; il était hors de question de céder à la contrainte car, ayant raison et reculant devant l’arbitraire, nous aurions compromis à jamais la libération de notre terre.
Submergés par la force, en légitime défense, nous avons riposté ; deux jeunes gendarmes ont été tués et il y a eu de nombreux blessés. Dès lors, le mécanisme infernal s’est inévitablement enclenché : arrestations, répression, cour de Sûreté de l’État, affrontements tragiques de Bastia, naissance en 1976, du FLNC (Front de libération nationale de la Corse).
ANV : Est-il exact qu’il va y avoir bientôt sur ce lieu une stèle à la mémoire des deux gendarmes, en connaissez-vous déjà le libellé ?
E. S. : En 2014, il y aura sur les lieux une stèle, à l’initiative du mouvement national, en mémoire des événements tragiques et des malheureuses victimes, sans exaltation de la haine ; pour apaiser, nous avons laissé passer le temps ; la seule volonté est de se souvenir et de montrer, a posteriori, que le seul chemin est celui du dialogue, de la justice et de la raison. On n’a pas encore choisi le libellé de la stèle.
ANV : Établissez-vous une ressemblance entre le dénouement de votre action à Aléria et celle des Kanaks à Ouvéa, combien plus dramatique, en 1988, comme le relate le film L’ordre et la morale sorti en 2011 ?
E. S. :Les actions, toutes proportions gardées, et avec des différences sensibles cependant, puisent aux mêmes sources : deux colonies, deux révoltes, deux répressions En nouvelle Calédonie, la solution, longue et difficile, est en cours ; en Corse, elle progresse…
ANV : La Corse pourrait-elle vivre aujourd’hui de ses propres ressources agricoles, alors que presque tout est acheminé depuis le continent ?
E. S. : Il y a très longtemps que la Corse ne peut plus vivre en autarcie ; assise sur une économie agrosylvo-pastorale jusqu’en 1800, elle est progressivement entrée dans l’économie d’échanges qui est devenue la règle mondiale, avec le marché. Par contre, la Corse a toutes les capacités de développer une économie autocentrée, dans le cadre euro-méditerranéen ; en effet, elle dispose de près de 10 milliards d’euros d’épargne, derichesses naturelles considérables (bois, eau, soleil), d’une identité culturelle forte — langue, culture, gastronomie — d’une diaspora de près de 1 million de personnes qui constituent une ressource exceptionnelle — technique et financière — sur tous les plans, de son appartenance à l’Europe qui constitue un immense marché, et de son insertion dans la Méditerranée qui a un bel avenir. Il suffit de lire l’ouvrage Les énergies d’une île de Pierre Dottelonde 2 .
ANV : La Corse est un château d’eau avec toutes ses montagnes. La Corse pourrait-elle être autonome en énergie électrique s’il était décidé d’investir dans les énergies renouvelables, grâce notamment à de petits barrages et au solaire ?
E. S. : La Corse reçoit dix milliards de mètres cubes d’eau par an ; naturellement, elle n’est pas toute utilisable mais nous n’en utilisons que 100 millions de mètres cubes, soit 1 % !!! Le champ des énergies nouvelles est immense et ouvre la porte, mais pas seulement dans ce domaine, à une coopération avec la Sardaigne. Les deux îles constitueraient un marché de deux millions de personnes !!!
La Corse n’est pas un pays pauvre mais un pays peu et mal développé.
ANV : Comment voyez-vous les transports de demain en Corse ? L’île est complètement saturée par la voiture dans les villes, même en hiver, ne parlons pas de l’été !
E. S. : Je pense que dans ce domaine il faut innover et prendre déjà des orientations importantes : nous pouvons transformer notre retard de développement en avance de civilisation si nous évitons les erreurs commises ailleurs (tout tourisme, de masse et trop saisonnalisé, spéculation, saccage des sites…).
Les transports extérieurs doivent privilégier l’avion et non plus les bateaux gros porteurs ; la voie ferrée doit être prolongée de Casamozza à Propriano. Il faut lutter contre la prolifération des voitures individuelles et prévoir des moyens substitutifs (par exemple parkings en périphérie des villes avec des navettes — routes et voies ferrées — accessibles et à bon prix ; naturellement il faut rester très attentif aux innovations (le vélo et la voiture électrique).
ANV : Le 7 août 2013, le président de l’exécutif territorial de l’Assemblé régionale de Corse, Paul Giacobbi (PRG) a déclaré vouloir « limiter l’accès à la propriété foncière pour les non-résidents 3 », afin de limiter la spéculation foncière souvent liée à des pratiques mafieuses. Qu’en pensez-vous ?
E. S. : On ne peut pas résumer en une phrase du président Paul Giaccobi, la politique de la CTCen matière foncière. La Corse est très sensibilisée sur cette question ; elle veille à l’application de la loi littoral malgré la défaillance totale, inadmissible car volontaire, de l’État, et le travail remarquable des associations écologiques, et du tribunal administratif (il a invalidé 13 Plans locaux d’urbanisme). La Corse organise son Padduc (Plan d’aménagement et de développement durable). L’Assemblée de Corse réfléchit actuellement sur la nécessité de bien aménager l’espace, de contrer la spéculation et de construire des logements à prix accessibles. Le statut de résident, est une piste pour aller dans ce sens. On le retrouve notamment aux îles Aaland, donc dans l’Union européenne.
ANV : Quel est votre regard sur la langue corse aujourd’hui ? Pourquoi n’est-elle pas bonne à aller au musée ?
E. S. : La langue fait partie localement du patrimoine identitaire ; sur un plan mondial elle est — à travers sa diversité, riche et féconde — le témoignage de la vitalité et aussi du droit des peuples à vivre leur culture. Peuton concevoir un monde avec quelques langues seulement ? Et deux ou trois économies dominantes ? Invivable…
ANV : Quelles différences fondamentales établissezvous entre la revendication pour l’indépendance de la Corse et celle pour un statut d’autonomie pour la Corse ?
E. S. : L’autonomie interne se situe dans le cadre de la République française et dispose des différents pouvoirs à l’exclusion des pouvoirs régaliens (Affaires étrangères…). Nous la revendiquons uniquement par les moyens légaux ; l’indépendance postule la souveraineté et Corsica Libera est solidaire du FLNC.
ANV : Vous avez rencontré à plusieurs reprises le président François Mitterrand. Quels souvenirs en avez-vous ?
E. S. : J’ai rencontré le président Mitterrand dont trois fois à l’Élysée. Il avait parfaitement compris la situation de la Corse, mais il a géré la crise avec trois statuts a minima : la libéralisation de l’information, la suppression de la Cour de Sûreté et l’amnistie des prisonniers politiques, etc. Je lui ai demandé aussi, sans succès, que la France aide la Corse à connaitre et installer la démocratie, méconnue depuis deux siècles mais solide soutien du clanisme qui est le compagnon de route de l’État.
ANV : Des choses ont pourtant un peu bougé avec Michel Rocard Premier ministre et son ministre de l’Intérieur Pierre Joxe ? Pourquoi n’y a-t-il pas eu plus de suite ?
E. S. : Effectivement, Michel Rocard, lors d’une intervention comme Premier ministre, et Pierre Joxe, ont été très réceptifs aux doléances justifiées du peuple corse. Mais, la France est un pays profondément ancré dans le centralisme. Et quelques bonnes volontés éparses, même talentueuses et déterminées, ne peuvent briser cette chape pesante et cette conception multiséculaire et dominatrice du pouvoir. Il faut contraindre la France à évoluer, par la lutte, comme partout ailleurs où elle a dû reculer.
ANV : À quelle vie démocratique rêvez-vous en Corse ?
E. S. : À une vie normale, avec des élections normales et la fin du clientélisme ; avec le bénéfice serein des droits fondamentaux, la séparation des pouvoirs, avec des marchés publics transparents, avec un État impartial gérant son seul domaine ; nous rêvons d’une justice sereine et équilibrée, d’une société — qui en se développant de manière plus équitable, en privilégiant l’éducation et la formation —, préviendrait ou limiterait l’extension de la violence.
ANV : N’est-il pas un peu rapide de dire que tous les malheurs proviennent de l’État colonial ? Quelles sont les responsabilités qui incombent aussi à des Corses ?
E. S. : Personnellement, je n’encours pas ce reproche car en 1987, j’ai effectué mon autocritique ; de plus, j’ai systématiquement mis en cause, à côté de la responsabilité majeure de l’État, et à un degré moindre du système claniste, la responsabilité du peuple corse lui-même. Il a résisté et il lui faut désormais construire un avenir démocratique.
ANV : Pourquoi selon vous les ministres qui se succèdent à l’Intérieur ont-ils intérêt à ne pas vouloir avouer que les assassinats en Corse de ces dernières années restent presque tous impunis et d’essence mafieuse, sans relation aucune avec la revendication pour un statut d’autonomie ?
E. S. : Mise à part la violence politique où l’État excelle dans la répression, l’échec est avéré dans la lutte contre les autres violences. Triste bilan actuel : 80 assassinats et une ou deux élucidations. Tout simplementparce que l’État a concentré tous ses moyens sur la lutte contre les nationalistes. Le pôle économique et financier, créé en 1994, dépourvu de moyens, ne peut présenter aucun bilan et Paris — toute honte bue — a enfin nommé tout récemment un procureur financier !
ANV : L’île est enfermée depuis des décennies dans le dilemme « être pour la violence » ou « être contre la violence ». Cette caricature, véhiculée également par des Corses, n’empêche-t-elle pas tout autre questionnement ?
E. S. : Cette schématisation partisane évite effectivement de poser publiquement le problème de la « question corse ». La France, comme Gênes hier, est dans l’île le principal responsable des violences ; elle a gouverné sans partage depuis deux siècles, et n’y a pas créé le développement et n’y a pas instauré la justice ; elle a condamné l’île au « non-droit », à l’adémocratie. Sur un fond constant de dénégation de l’identité, de répression et de refus du dialogue. On comprend mieux le dénouement des situations en Algérie, Indochine, Afrique, en Nouvelle-Calédonie…
ANV : Quand avez-vous commencé à lire Gandhi et Martin Luther King ? Dans quelles circonstances ? Que vous ont apporté ces lectures ?
E. S. : J’ai beaucoup lu en prison et notamment des ouvrages relatifs à Gandhi, à Martin Luther King, et à la Shoah, mais aussi les biographies de grands leaders comme De Gaulle, Adenauer, Mao, Staline. Instructif et passionnant. On en sort vacciné contre la violence. Mes lectures sur la non-violence m’ont renforcé dans la conviction que l’on ne peut construire une société démocratique qu’avec les moyens de la démocratie, donc de la non-violence. Lechoix des moyens non-violents (boycott, non-coopération, désobéissance civile, occupation de bâtiments publics…) n’est pas seulement d’ordre moral, mais aussi pour l’efficacité de l’action. Les moyens sont la fin en devenir. Ils permettent d’établir un rapport de forces propres à toutes les luttes non-violentes. La non-violence est inventive. À nous, Corses, de la développer dans nos justes combats.
ANV : Pourquoi dites-vous aujourd’hui que «la non-violence est maintenant une chance historique pour la Corse » ?
E. S. : La Corse est arrivée aujourd’hui à un point de non-retour. Elle a résisté 50 ans, posé en vain son problème sur le plan national. La position de fermeture de Monsieur Hollande est pour l’heure très préoccupante et malheureusement on peut craindre la radicalisation du conflit. Quand on a raison au plan du droit interne et international, quand les solutions équitables existent et quand la population y souscrit majoritairement, la voie est largement ouverte pour une opposition massive, organisée qui contraindra Paris au recul, affronté qu’il sera certes à la contestation insulaire mais aussi au jugement de l’opinion publique française mais aussi internationale, dûment informées et sollicitées pour une issue pacifique, respectueuse des intérêts légitimes des parties.
Le bilan est lourd: 10 000 attentats, deux centaines de morts. Notre revendication est d’une banalité et d’une légalité incontestables : démocratie, identité, autonomie dont il existe des dizaines d’exemples en Europe…
ANV : Ceci est-il partagé par beaucoup de militants qui revendiquent l’autonomie de la Corse ?
E. S. : La Corse n’a pas l’habitude de la non-violence et nous avons un gros travail d’explication et de persuasion à faire auprès de la société et aussi des militants. La formation et la coordination avec les initiatives non-violentes vont prospérer car nous sommes du côté de la justice et du droit. La coordination avec l’Éducation nationale, le Man, la Fondation de Corse doivent prospérer.
ANV : Quand je vous ai rencontré pour la première fois, à l’occasion du colloque « La non-violence, nouvelle voie pour le XXIe siècle », organisé à Bastia en juin 2013 par le Comité économique et social européen (Cese) et la Fondation de Corse, vous m’avez dit : « Si vous voulez un peu me comprendre, sachez tout d’abord que je suis médecin. » Pouvez-vous préciser ?
E. S. : La vocation de la médecine ne peut être compatible qu’avec des démarches pacifiques, de justice et de paix.
ANV : Ce qui vous particularise, c’est bien la fidélité à votre engagement pour l’avenir de la Corse. Combien cette fidélité vous honore ! Vous avez toujours été un homme de dialogue, même dans l’affaire d’Aléria en 1975, mais vous avez cru parfois à la portée de l’action violente. Aujourd’hui, vous êtes un converti à la non-violence. Il y a pour moi une suite logique ici dans la fidélité de votre engagement initial. Permettez-moi, pour terminer cet entretien, de citer des propos de Gandhi : « J’ai pu me rendre compte qu’il n’y a rien de difficile à démontrer la supériorité de la non-violence à ceux qui sont aguerris à l’école de la violence. » « La non-violence et la lâcheté s’excluent 4 . […] Je ne peux que préférer la violence à l’attitude de celui qui s’enfuit par lâcheté. […] Tandis qu’il n’y a aucun espoir de voir un lâche devenir non-violent, cet espoir n’est pas interdit à un homme violent. […] La non-violence suppose avant tout qu’on est capable de se battre 5 . »
E. S. : Je n’aurai jamais souscrit à la non-violence si je n’avais pas la certitude qu’elle ne rimait pas avec la démission mais que, bien au contraire, elle impliquait un engagement majeur, soutenu, contre l’injustice, les inégalités sociales, la négation de droits, l’adémocratie, la répression. Elles sont toutes des violences qu’il faut combattre, sans relâche car elles sont le terreau fertile d’autres formes de violences. J’espère que la Corse va de plus en plus s’engager dans la voie de la non-violence ; elle est difficile, courageuse mais gratifiante ; elle sera, seule, le passeport vers une société apaisée, tolérante et fraternelle.
Aujourd’hui, il existe une conscience et une opinion publique internationales que l’on peut sensibiliser, mobiliser contre l’injustice patente et scandaleuse que notre peuple subit. Le dossier du peuple corse, étoffé, argumenté, irréfutable, est exemplaire du non-droit.
Nous allons le plaider partout, l’internationaliser comme nous l’avons déjà fait depuis 1980, et la cause de la justice, de l’émancipation nationale, de la liberté, va irrésistiblement l’emporter. Conformément au Droit et à l’Histoire. Les signes annonciateurs sont très présents.
Entretien réalisé par François Vaillant
1) Francia : Front républicain d’action nouvelle contre l’indépendance et l’autonomie.
2) Les énergies d’une île, Paris, Cherche-Midi, 2013
3) Corse matin du 7 août 2013.
4) Gandhi, Tous les hommes sont frères, Paris, Gallimard, 1969, p. 180.
5) Idem, p. 178.
Edmond Siméoni
Enfance en milieu rural, en Corse, à Francardu et Lozzi.
Études secondaires au lycée de Bastia.
1952, début de ses études de médecine à Marseille.
Se marie avec Lucie ; ils auront deux enfants. Il crée en 1960 l’« Association des étudiants corses » à Marseille pour protester contre le scandale des expérimentations nucléaires en Corse, à l’Argentella (Calvi).
S’installe en 1965 à Bastia comme médecin gastro-entérologue.
Co-fondateur en 1967 avec son frère Max Simeoni de l’« Action régionaliste corse » (Arc), rebaptisée en 1975 « Action pour la renaissance de la Corse ».
Organise en 1973 un Collectif contre le déversement de boues rouges toxiques par un trust international — la Montedison —, au large du Cap Corse ; l’île, méprisée, est en ébullition et une grande manifestation à Bastia dégénère avec l’occupation de la sous-préfecture. Edmond Siméoni se constitue prisonnier quelques jours après ; le séjour en prison est bref — 10 jours — car il est libéré par une grève générale dans l’île : Île morte (Isula Morta)
Le 21 août 1975, il occupe, avec douze militants de l’Arc, la cave d’Aléria ; à la tête de ce commando armé de fusils de chasse, il agit pour protester contre la colonisation agricole de la Corse et une escroquerie, masquée par les pouvoirs publics, et qui menaçait de ruiner des centaines de petits viticulteurs. C’est l’affaire d’Aléria : (procès en 1976 ; condamnation à trois ans de réclusion et deux ans avec sursis ; sortie de la prison de la Santé (Paris), en 1977.
Élu en 1981 conseiller de l’Assemblée de Corse (liste autonomiste de l’UPC).
En 1987, conférence de presse à Bastia où il procède à son autocritique et « s’incline avec compassion et respect devant toutes les victimes d’hier, sans exception (morts et blessés) et devant leur famille ». Il demande à tous les responsables locaux et à l’État, de procéder de même. En vain. En 1992, démission de l’Assemblée de Corse pour désaccord avec la politique du FLNC.
Élu en 2003 à l’Assemblée de Corse avec le groupe Unione Naziunale.
Inlassable défenseur, jusqu’à nos jours, d’un statut d’autonomie interne pour la Corse et de l’instauration de la démocratie dans l’île.
Blog : www.edmondsimeoni.com
Twitter : @EdmondSimeoni
Publications
Le piège d’Aléria, Paris, Éd. Lattès, 1975.
La Volonté d’être, Ajaccio, Éd. Albiana, 1985.
Un combat pour la Corse, entretien avec Pierre Dottelonde, Paris, Éd. Le Cherche Midi, 2003.
Lettre aux femmes corses, Ajaccio, Éd. DCL — Stamparia Sammarcelli, 2008.
Préface du livre Corse. Renaissance d’une nation,de Christian Mondoloni, Ajaccio, Éd. Albiana, 2013.