La violence à l'école est un sujet qui préoccupe les Français, la majorité de ces derniers estime même qu'elle a fortement augmenté entre 2000 et 2010. Pourtant jusqu'en 2010, une dizaine de plans contre la violence à l'école ont été mis en place par des initiatives politiques. Seulement, tout l'intérêt des résultats de tels programmes est que ceux-ci soient positifs mais rapidement, en vue des prochaines élections. En réalité, traiter le problème de la violence dans le milieu scolaire demande un travail de fond à durée indéterminée. De plus, comment mesurer la violence à l'école alors qu'il n'y a pas d'instrument permanent et exhaustif pour ce faire ?
Une amnésie collective semble accompagner chaque événement grave. De plus, depuis vingt ans, une dizaine de plans de prévention sont apparus, pour peu de résultats. ANV publie ici un extrait de l’article de Luc Cédelle et le résultat d’un sondage parus dans Le Monde du 17 févier 2010.
« […] Frédéric pointe son arme et tire froidement. Atteint dans la région lombaire, Antony s’écroule. Par miracle, il s’en tirera, sans lésions irrémédiables, après une longue hospitalisation. » C’était un matin de mars, au lycée Magendie de Bordeaux. Le 6 mars 1984, indique l’article du Mondequi, en 1987, rend compte du procès de l’agresseur. L’année précédente avait été marquée par la mort du proviseur du lycée Jean-Bart de Grenoble, poignardé par un élève de 17 ans qui n’avait pas supporté son renvoi.
En matière de violence à l’école, une amnésie collective semble accompagner chaque événement grave. Une incursion dans la documentation du Monde procure à cet égard un recul saisissant. « Après le viol d’une élève dans les locaux d’un lycée de Saint-Ouen, le 27 septembre, la série d’actes de violence se poursuit dans des établissements de la région parisienne », apprend-on en octobre 1990.
Le 17 octobre 1990, devant l’Assemblée nationale, Lionel Jospin, ministre de l’éducation, souligne que les écoles doivent rester des lieux « où les jeunes soient le plus possible préservés des convulsions du monde extérieur ». Insuffisant pour enrayer un mouvement de protestation qui rassemble des centaines de milliers de lycéens… et se termine par une séquence « casseurs ».
C’était il y a vingt ans. Passer directement à l’actualité récente, c’est occulter un nombre indéterminé de drames, comme le décès de Djamel Essaghir, élève de première, poignardé à mort le 10 novembre 1992 à Saint-Étienne, au cours d’une bagarre devant le lycée d’Alembert.
Affichage tonitruant
En mai 1992, Jack Lang, ministre de l’Éducation nationale, avait lancé [un plan contre la violence à l’école], le premier d’une longue série — on en est désormais en 2010 à une dizaine ! On sait, avec la distance, qu’aucune annonce politique ne s’est durablement traduite par une diminution de cette violence. La formule même du « grand-plan violence » n’est pas pertinente.
Les politiques veulent du rendement rapide, de l’affichage tonitruant pour les prochaines élections. La prévention de la violence réclame au contraire du suivi, du local, du sur-mesure, de la patience et de l’humilité. Ce décalage est involontairement illustré le 22 mai 1993 par François Bayrou, ministre de l’Éducation nationale, annonçant sa volonté de protéger ce « sanctuaire » que doit rester l’école. Les mots, hélas!, ne sont pas magiques. Le 17 septembre, un lycéen de 16 ans et demi était tué par un camarade d’un coup de feu en plein cœur, à la sortie d’un lycée de Brest.
C’était seize ans avant l’annonce, en mai 2009 par Xavier Darcos et Nicolas Sarkozy, après plusieurs agressions d’enseignants, d’un plan de « sanctuarisation » des établissements scolaires. Et le 22 mai 1997, il y a treize ans, 1 500 enseignants de Seine-Saint-Denis — déjà ! — manifestaient à Paris suite à des « agressions répétées » dans plusieurs établissements.
Cas exceptionnels
Mais, récemment, la violence à l’école n’aurait-elle pas augmenté ? S’il s’agit des faits graves comme ceux qui focalisent l’attention ces derniers jours, ils restent exceptionnels et peuvent toucher n’importe quel établissement. Après l’agression au couteau d’une enseignante à Fenouillet (Haute-Garonne), le ministère de l’Éducation nationale avait indiqué, en mai 2009 qu’il n’y avait « pas de montée significative » de ce type de violence.
Et globalement, toutes catégories confondues, constate-t-on une hausse des violences à l’école ? « Personne ne le sait », répond le spécialiste français le plus réputé, Éric Debarbieux, directeur de l’Observatoire international de la violence à l’école. Faute, notamment, d’un instrument de mesure fiable et stable.
L’Éducation nationale a cassé le thermomètre en passant d’un système de mesure à un autre. Jusqu’en 2007, le logiciel Signa recensait les actes violents signalés par chaque établissement. L’exploitation de ces chiffres par l’hebdomadaire Le Point pour établir un « palmarès » a conduit les chefs d’établissement à le boycotter.
Un nouveau système, Sivis, fondé sur un panel d’établissements anonymes, l’a remplacé. Les dernières données Signa, celles de 2005-2006, faisaient état d’une augmentation de 7 % en un an des incidents touchant les enseignants, et de 25 % depuis 2003 des incidents touchant les personnels de surveillance et les conseillers principaux d’éducation.
En revanche, selon Sivis, le nombre moyen d’incidents graves pour 1 000 élèves a diminué entre 20072008 et 2008-2009, passant de 11,6 % à 10,5 %. Les « atteintes aux personnes », qui représentaient 80,9 % de ces incidents la première année, sont passées à 80,6 % l’année suivante. Mais parmi celles-ci, la proportion des « violences physiques » a légèrement augmenté, passant de 36,4 % à 38,8 %.
Ces chiffres ne permettent ni de conclure à une explosion ni de contredire les enseignants lorsqu’ils perçoivent une aggravation. Ces dernières années, 50 % des faits de violence se concentrent sur les 10 % d’établissements les plus difficiles où, rappelle Éric Debarbieux, se multiplient les incidents qui « empoisonnent la vie quotidienne ».
Une majorité de Français estiment que la violence a augmenté à l’école
Après les trois incidents qui se sont déroulés dans des établissements scolaires du Val-de-Marne depuis le début de l’année 2010, 90 % des Français estiment que la violence à l’école a augmenté au cours des dix dernières années, selon un sondage de l’institut Harris publié le 17 février 2010 par RTL. Ils sont 61 % à se déclarer inquiets pour leurs enfants et 52 % considèrent même que la violence dans les établissements scolaires a fortement augmenté.
Parmi les mesures proposées pour faire face à ces violences, les Français plébiscitent à 93 % le renforcement du personnel de surveillance dans les écoles et à 83 % le renforcement du personnel enseignant ; 69 % soutiennent la mise en place de systèmes de sécurité à l’entrée des écoles, 30 % sont pour une présence policière dans les écoles et 75 % sont favorables à cette présence policière à la sortie ou à proximité des écoles. Ce 16 février 2010, le ministre de l’Éducation nationale, Luc Chatel, a annoncé la tenue d’états généraux sur la sécurité à l’école en avril.