Auteur

François Vaillant

Localisation

Afghanistan

Année de publication

2014

Cet article est paru dans
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S’il est vrai que la non-violence cherche à rompre avec la logique néfaste qui prétend que l’on ne peut venir à bout du violent qu’en étant plus violent que lui, remarquons que l’action non-violente requiert des qualités humaines telle que le courage. Que celle-ci ne nous fasse pas oublier les autres, telles que l’audace, la persévérance, l’acceptation non résignée de la souffrance, la douceur, l’humilité, la maîtrise de soi, et tant d’autres encore.

Le courage d’un Socrate, d’un Gandhi ou de cet anonyme d’un quartier défavorisé est d’un autre genre que celui d’un pilote du rallye Paris-Dakar. Le but du courage n’est pas l’exploit, dans la mesure où traverser, sur des engins insolents de publicité, des régions où l’on meurt de malnutrition en serait un ! Le vrai courageux respire une force morale qui se communique autour de lui, dans un rayon d’action qui peut être celui d’une simple maison, d’un quartier ou même d’un continent.

Dans l’action non-violente, le courage induit une discipline. Martin Luther King est allé jusqu’à comparer les volontaires Noirs de son organisation à des soldats, « une armée non-violente ». « Nous n’hésitons pas, écrit-il, à appeler nos organisations une armée. Mais c’est une armée spéciale, sans autre soutien que sa sincérité, sans autre uniforme que sa détermination, sans autre arsenal que son courage, sans autre argent que sa conscience ; c’est une armée qui avance, mais qui ne mutile pas. C’est une armée qui aime à chanter, non à tuer. C’est une armée pour prendre d’assaut les bastions de la haine, pour mettre le siège devant la forteresse de la ségrégation, pour investir les symboles de la discrimination[1]. »

Celui qui affectionne la vertu de courage allie la générosité du cœur à sa raison comme à l’étoffe du temps. Il prend du recul sur ce qu’il a fait et va faire, sans précipitation, car il sait qu’il peut toujours se tromper et donc se corriger. Le courageux n’est pas téméraire ; il sait que le courage n’est pas d’abord le propre d’actions spectaculaires mais une qualité humaine qui lui demande de s’impliquer dans tous les recoins de sa vie quotidienne. Comme l’écrit merveilleusement Jankélévitch, « quand nous disons courageux, il faut prendre courageux en acte, et non pas simplement en puissance ou virtuellement ; au contraire de l’aimant passif qui attire la limaille, le courageux n’attend pas les occasions de manifester sa vertu, mais il crée lui-même ces occasions et les crée tous les jours[2] ».

Le pire ennemi du courageux, c’est assurément le découragement !

 

[1] Cité par S. B. Oates, Martin Luther King, Paris, Centurion, 1985, p. 247.

[2] V. Jankélévitch, Les vertus de l’amour, Paris, Flammarion, tome 1, 1986, p. 14.


Article écrit par François Vaillant.

Article paru dans le numéro 145 d’Alternatives non-violentes.