Le général Jacques de Bollardière dit « non » à la torture

Auteur

Patrice Coulon

Localisation

Algérie

Année de publication

2011

Cet article est paru dans
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Le colonel Jacques de Bollardière est affecté en Algérie en juillet 1956. En novembre de la même année,  il est nommé et devient, à 49 ans, le plus jeune général de France.

Mais en mars 1957, au nom de ses convictions, il refuse de participer à la nouvelle stratégie mise en place par le général Massu qui intègre les méthodes de torture au nom de l’efficacité pour lutter contre les terroristes algériens. 

En 1956, le général de Bollardière est nommé commandant du secteur Est de l’Atlas blidéen, dans la Mitidja. Ce secteur était sous l’emprise de la Wilaya I que dirigeaient de jeunes chefs FLN actifs et intelligents. Il commande deux brigades de plusieurs milliers de rappelés de l’armée de l’air. Il croit à la possibilité d’une politique de pacification préconisée par le gouvernement français. Il est, en effet, convaincu que la solution au problème algérien ne peut pas être militaire mais uniquement politique.

Pour arriver à ses fins il devait rétablir le dialogue entre les deux populations. Il lui faut inspirer confiance à la population « en multipliant les contacts humains, en faisant preuve de loyauté, l’amener à travailler avec les militaires, refuser de réduire les Musulmans à l’état de suspects, leur faire comprendre que nous cherchions à comprendre leur misère et créer un climat de moins en moins favorable à ceux qui préconiseraient les solutions extrêmes.[1]»

Il avait mis sur pied une SAS (Section administration spéciale) dont le but était de remplacer dans les zones inaccessibles une administration défaillante que la guerre avait complètement coupée de ses administrés. En collaboration avec le colonel Barberot, l’un de ses officiers rappelés, le lieutenant Servan-Schreiber, alors directeur du journal L’Express, avait mis sur pied des commandos d’un type très particulier, les « commandos noirs ». Les membres de ces commandos, tous volontaires, étaient solidement entraînés et encadrés pour être capable d’assurer leur sécurité. Dans les douars les plus éloignés et inaccessibles, ils prolongeaient les actions de contact humain et rétablissaient les liaisons administratives.

Ces commandos partageaient la vie des populations, dormaient dans les mechtas, mangeaient avec des hommes qui avaient perdu tout contact depuis plusieurs années avec la présence française. De Bollardière détecta parmi ses cadres rappelés les compétences dont il avait besoin. Il y avait parmi eux des ingénieurs, des médecins, des banquiers, des journalistes, des diplomates, etc.

À partir de ce potentiel humain, de Bollardière eut l’idée d’ouvrir des chantiers en créant des unités mobiles qui seraient chargées de réellement nomadiser toute la région – donc en développant les contacts avec la population - et d’animer toutes ses troupes. Et cela devait permettre de donner du travail, un salaire, des soins médicaux, etc, et de renouer les contacts avec les mairies et les différents services territoriaux. Car beaucoup de travaux d’irrigation, de voirie, de réfection des sols, avaient cessé depuis plusieurs années. Ces activités durèrent cinq mois.

Mais devant l’apparition du terrorisme FLN en ville, notamment à Alger, tous les pouvoirs civils et militaires sont confiés à l’armée avec la mission d’anéantir les réseaux de terroristes.

C’est au général Massu qu’est confiée cette mission, avec le commandement de toute la région d’Alger qui englobe le secteur de Bollardière. Massu envoie à de Bollardière de plus en plus souvent des circulaires lui demandant de donner la priorité aux opérations de police et « de viser avant tout l’efficacité », première et discrète allusion à la torture….

De Bollardière répercute le consignes mais avec une réserve importante : « La tentation, à laquelle n’ont pas résisté les pays totalitaires, de considérer certains procédés comme une méthode anormale pour obtenir le renseignement doit être rejetée sans équivoque ».

Dès lors, le commandement cherche toutes les occasions pour écarter de Bollardière du secteur d’Alger. Mais de Bollardière vient d’être nommé général et il est Compagnon de la Libération, une personnalité militaire en quelque sorte ! Aussi la méthode que va utiliser le commandement est de retirer progressivement à de Bollardière tous les moyens dont il dispose. Ses officiers d’état-major sont mutés. Les rappelés qui arrivent en fin de séjour sont rapatriés et non remplacés. De Bollardière se retrouve dans une grande solitude morale, arpentant les dunes le long de la mer et il se décide à aller voir le général Massu.

Après la guerre, l’un des chefs du FLN, le colonel Azzedine affirmera, en décembre 1981, sur Antenne 2 : « Massu était notre meilleur recruteur. Le plus dangereux c’était Bollardière avec les commandos noirs de Servan-Schreiber. La population ne fuyait pas, elle fraternisait.[2] »

 

La pratique de la torture en Algérie entre 1954 et 1962


L'armée française a systématiquement pratiqué l'assassinat et la torture sur ses adversaires. « Interrogatoires prolongés », « méthodes de coercition », « procédés spéciaux » : les euphémismes n'ont pas manqué pour désigner, pendant la guerre d'Algérie, le recours à la torture par la police et l'armée françaises.

Cette « gangrène »[3], présente dans l'Algérie française avant même le soulèvement nationaliste de 1954, connaît son paroxysme à partir de 1957, lorsque le Président du Conseil, le socialiste Guy Mollet, ayant obtenu des députés du Front républicain le vote de « pouvoirs spéciaux », charge l'armée de rétablir l'ordre dans la capitale algérienne, en proie à de multiples attentats.

À Alger comme dans le bled, des « centres de tri » et des salles de torture sont aménagés ; l'utilisation de l'électricité - la « gégène » - et du supplice de la baignoire est répandue.

Il existe également la méthode, secrète, inavouée mais en réalité assez connue pour terroriser l'adversaire, de l’exécution sommaire, connue sous le nom de « corvée de bois ». Au nom de la République, des unités ou des sections emmènent en pleine campagne un groupe de « prisonniers de guerre » ou de simples « suspects » pour effectuer une corvée de bois. Elles font mine de leur rendre la liberté, de les laisser partir et les abattent dans le dos, ou elles leur font creuser leur tombe avant de les achever et de les y mettre.

Le général Jacques Massu[4]  était, en 1957, le chef des tristement célèbres "paras" (10e division de parachutistes) et son bras droit, le général Paul Aussaresses[5], était chargé des services de renseignement à Alger. Ils ont confirmé que plus de 3.000 prisonniers, à l'époque portés "disparus", avaient en réalité été exécutés. Aussaresses a reconnu la réalité, en 1957, de la torture et des exécutions sommaires dans les pratiques de la politique de guerre française. Il s'est vanté d'avoir employé des moyens qui sortaient des normes établies par les lois de la guerre ainsi que d'avoir ordonné à ses subordonnés de tuer. Il reconnaît avoir lui-même procédé à vingt-quatre exécutions sommaires de membres du FLN. Et il ajouta " ne pas avoir à se repentir ".

Les témoignages des victimes et les documents publiés depuis trente ans ne laissent aucun doute quant à la brutalité et à l'ampleur de la pratique systématique et à grande échelle de la torture, entre autres, le viol, le jet d'eau froide, le supplice de la baignoire remplie d'excréments et les électrochocs. Même dans l'arrière-pays, où il n’y avait pourtant pas d'électricité, furent pratiqués les électrochocs par la "gégène", la génératrice à pédale des postes de radio de campagne.

 

La torture généralisée


L'utilisation de la torture, sous le commandement du général Jacques Massu, pour gagner cette « bataille d'Alger », sera ensuite généralisée, jusqu'à être exportée en métropole, dans des locaux de police, pour sévir contre des collecteurs de fonds du FLN. Jusqu'à la fin du conflit, en 1962, des journaux comme L'Humanité, L'Express, Témoignage Chrétien, France-Observateur, Le Canard enchaîné et Le Monde multiplient les révélations sur la torture en Algérie, au prix d'une répression judiciaire permanente.

En 1971, le général Massu, lui-même, lance un pavé dans la mare en publiant un livre. Il assume la responsabilité d'un large usage de la torture par ses subordonnés, le justifiant par la nécessité de stopper les attentats terroristes et d'éviter la mort d'innocents.

« Alors, pratiquement, précise le général, si pour faire ‘cracher le morceau’ il fallait que ‘ça cogne un peu’, les questionneurs étaient conduits à faire subir aux prévenus des douleurs physiques dont la violence était graduée pour aboutir à l'aveu. Certes il y avait des risques, et des accidents se sont produits (...). Le procédé le plus couramment employé, en plus des gifles, était l'électricité (...). [6] »

C’est le livre du général Massu qui décidera Jacques de Bollardière à écrire, en 1972, son propre livre «  Bataille d’Alger, bataille de l’homme »[7]. Voici ce qu’il écrit dans son introduction : « (….) Le général Massu rompt brusquement le complot du silence. (…) Je me sens directement concerné par le problème de la violence. La guerre n’est qu’une dangereuse maladie d’une humanité infantile qui cherche douloureusement sa voie. La torture, ce dialogue dans l’horreur, n’est que l’envers affreux de la communication fraternelle. Elle dégrade celui qui l’inflige plus encore que celui qui la subit. Céder à la violence et à la torture c’est par impuissance à croire en l’homme, renoncer à construire un monde humain.au long des années, sur les chemins de la guerre, j’ai peu à peu découvert ces convictions qui m’ont aidé à vivre, elles étaient cachées sous les ronces des préjugés, des conformismes, des idéologies. (…) ».

 

Le refus de l’utilisation de la torture par Bollardière


C’est le 8 mars 1957 que de Bollardière est reçu par le général Massu. Ils se connaissent depuis longtemps car ils ont fait le Prytanée de la Flèche puis St Cyr ensemble ; gaullistes de la première heure et généraux avant tous les autres, ce sont des militaires pleins de bravoure. Mais leurs conceptions du combat divergent : pour l’un il s’agit de donner la priorité à l’efficacité quelque soit les moyens utilisés. Pour l’autre, il s‘agit de respecter l’homme d’abord.

L’entretien est tendu et l’affrontement entre les deux hommes dure plus d’une heure. De Bollardière réaffirme que les directives de Massu sont contraires aux fondements de sa vie et qu‘il ne peut les accepter. « Que signifierait une victoire militaire acquise au prix de la pire défaite : celle de l‘homme ? Tu contribues à la dégradation de l’armée en donnant à de jeunes sergents ou caporaux un vrai droit de vie et de mort sur n’importe qui, sans aucun contrôle. Tu va compromettre pour toujours, au bénéfice de la haine, l’avenir de la communauté française en Algérie. [8] »

Massu lui répond que la protection doit passer au-dessus de tout, des principes et des scrupules. Il lui reproche d’avoir sorti une circulaire mettant en garde contre les méthodes totalitaires. Il maintient la priorité absolue aux « opérations de police ». À la fin, de Bollardière pense qu’il n’a rien à espérer de la part de Massu.

Mais Massu n’étant pas au sommet de la hiérarchie, aussi demande-t-il audience à ses supérieurs, le commandant en chef et le ministre résident. Il rencontre d’abord le général Salan. Dans l’antichambre de son bureau il aperçoit le Journal d’Alger qui présente, en première page, la photo d’un jeune musulman allongé sur un brancard  et encadré de paras en tenue léopard qui le tirent par les cheveux pour qu’il présente sa figure – complètement tuméfiée - aux journalistes.

Dès qu’il voit Salan, de Bollardière lui dit qu’il n’a pas grand chose à rajouter à la couverture du Journal d’Alger. Et il précise « Vous comprendrez les raisons pour lesquelles je désire être relevé de mon commandement. Ayant eu naguère à commander des parachutistes, quand je vois une photo semblable, je ne puis plus continuer. » Le général Salan lui demande seulement de ne faire ni bruit ni scandale sur son départ. De Bollardière est d’accord sur ce point.

Il se rend ensuite chez le ministre résident, Robert Lacoste, qui lui dit le comprendre mais lui demande de laisser travailler les paras de Massu. Il se montre malgré tout préoccupé par l’action des troupes et interroge de Bollardière sur Bigeard. De Bollardière connait bien Bigeard car ce denier a été sous ses ordres. Il confirme à Lacoste que « c’est un magnifique soldat mais que ce n’est pas un service à lui rendre que de le traiter comme une vedette de cinéma… ».

 

Bollardière revient en France


Fin mars 1957, de Bollardière rentre en France et rejoint sa famille à Nantes. C’est pendant  cette période que l’un de ses anciens officiers dans la Mitidja, Jean-Jacques Servan-Schreiber lui demande de témoigner en sa faveur. En effet, Servan-Schreiber a publié dans L’Express une série d’articles intitulés Lieutenant en Algérie où il dévoile une petite partie de la vérité sur les méthodes utilisées et, en particulier, sur la pratique de la torture. Il est accusé d’atteinte au moral de l’armée.

De Bollardière n’hésite pas une seconde et rédige une lettre de soutien à son ancien officier et il l’autorise à publier cette lettre dans L’Express.

Dans celle-ci, de Bollardière écrit «  Il était hautement souhaitable qu’après avoir vécu notre action et partagé nos efforts, vous fassiez votre métier de journaliste, en soulignant à l’opinion publique les aspects dramatiques de la guerre révolutionnaire à laquelle nous faisons face et l’effroyable danger qu’il y aurait pour nous à perdre de vue, sous le prétexte fallacieux de l’efficacité immédiate, les valeurs morales qui, seules, ont fait jusqu’à maintenant la grandeur de notre civilisation et de notre Armée. … ».

Volontairement, de Bollardière a envoyé sa lettre directement à L’Express sans demander l’approbation du ministre des Armées. Car il veut « précisément rompre le sordide complot du silence et crier ma conviction.[9] » Aussitôt cette lettre publiée, le gouvernement envoie un avion chercher de Bollardière à Nantes et le ramène à Paris pour qu’il comparaisse devant le ministre de la Défense nationale, Bourgès-Maunoury, et le secrétaire d‘État à la guerre, Max Lejeune. En 1940, de Bollardière avait été condamné à mort par un tribunal militaire du gouvernement de Vichy pour avoir quitté l’armée et rejoint Londres la veille de l’Appel du 18 juin. Dix-sept ans après, toujours pour la même raison d’« avoir affirmé sa volonté de rester un homme libre », il comparait devant ces deux responsables de l’Armée qui le menacent de le chasser de l’armée.

À la suite de cette comparution, de Bollardière demande une entrevue au Général de Gaulle. Celui-ci le reçoit rapidement et longuement rue de Solférino. De Gaulle parle peu mais il écoute attentivement de Bollardière et ce dernier eut le sentiment qu’il ne lui tenait pas rigueur de son attitude, mais de Gaulle n’exprima pas sa pensée sur l’acceptation inavouée par l’armée de la torture.

Le cas de Bollardière fut examiné, le 5 avril, par le Conseil des ministres présidé par René Coty. Bourgès-Maunoury proposa trente jours d’arrêt en forteresse et sa mise en disponibilité (donc son retrait de l’armée). Guy Mollet, alors président du Conseil, « était d’accord sur le principe d’une sanction.  Gaston Defferre, alors ministre de la France d’Outre-mer, menace de quitter le gouvernement si le général de Bollardière était désavoué sur le fond. Pour  François Mitterrand, Garde des sceaux, « tout excès devait être sanctionné car c’est précisément l’absence de sanction publique qui risque de démoraliser l’armée et la nation ».

 

Bollardière quitte l’armée


Finalement, de Bollardière fut frappé de soixante jours d’arrêt en forteresse. Il se retrouve donc en cellule à la forteresse de la Courneuve. Sous la surveillance de Gardes Républicains. Il profite de cet enfermement pour se plonger dans la lecture et pour approfondir sa réflexion sur l’armée :

«  En cherchant à résoudre des problèmes humains par la violence, elle obtient des résultats inverses de ceux qu’elle recherche. Ce que nous avions à défendre en Algérie, c’étaient des valeurs de civilisation. Or l’armée s’est acharnée à les fouler aux pieds.

Jamais ne m’est apparu aussi évident le décalage entre  le mythe et la réalité vécue. Le mythe c’est l’armée défendant la communauté française dans ce qu’elle a de meilleur : la réalité, c’est l’armée traumatisant toute une jeunesse française, qui est l’avenir de cette communauté. Avec mon conditionnement d’officier d’active, fils d’une famille de militaires, il m’a fallu arriver jusqu’à un certain seuil pour accomplir cette démystification. Sans le savoir, je m’acheminais vers la non-violence, ayant compris, à travers le langage des faits, que la voie de la violence était une voie sans issue » [10], confiera-t-il plus tard à son ami Jean Toulat.

Pendant les trois années qui suivent, de Bollardière fait partie des états-majors à Brazzaville, au Congo, puis à Coblence, en Allemagne. Il y est selon sa propre expression, « un soldat sans mission » et cela ne le satisfait absolument pas. Il écrit au général de Gaulle pour obtenir à nouveau un poste en Algérie.

Mais en avril 1961, se produit le putsch militaire d’Alger [11]. Cette fois-ci c’est la goutte qui fait déborder le vase. De Bollardière, âgé de 54 ans, ne peut plus rester dans une armée qui se dresse contre le pays. « Il ne pouvait être question pour moi de devenir le complice d’une aventure totalitaire », affirme-t-il. Il quitte aussitôt Coblence et rentre en France. Fin mai, il va remettre sa lettre de démission au Ministre des armées, Pierre Messmer.  

À ce moment, il souhaite à nouveau aller saluer le chef des Français libres, le général de Gaulle. Ce dernier le reçoit dans son bureau de l’Elysée où il dirige les affaires de la France.

Jacques a toujours été accompagné pour ne pas dire précédé par sa femme Simone. Celle-ci  confirme qu’elle était tout à fait d’accord pour que son mari quitte l’Algérie car, dit-elle, « l’armée ne correspondait plus du tout à l’image qu’il en avait ; il y est entré avec Lyautey, il a fini avec Massu » et elle rajoute «  ce n’est pas Jacques qui a quitté l’armée c’est l’armée qui l’a quitté. »

 

Jacques de Bollardière devient militant de la non-violence


C’est son épouse Simone qui a fait découvrir à Jacques la non-violence, en particulier en l’emmenant écouter une conférence de Jean-Marie Muller à Lorient en 1970. Jacques découvre, à partir de ce moment, la non-violence et la mouvance non-violente française. Il participe, en 1973-74 à la création du MAN (Mouvement pour une Alternative Non-violente) et ne cesse ensuite de parcourir la France pour faire des conférences, participer à des débats et témoigner de sa vie et de son combat pour l’Homme, partager son désir de transformer la société et de résoudre les conflits par des moyens qui respectent l’Homme. Il s’oppose aux essais nucléaires en Polynésie, apporte son soutien aux paysans du Larzac et à de nombreux objecteurs de conscience et renvoyeurs de papiers militaires, etc.

Cette seconde et passionnante partie de la vie de Jacques - général devenu militant non-violent - est une autre et belle histoire [12] qui mériterait également d’être raconté mais ce n‘est pas le lieu dans ce numéro sur l’Algérie.

Deux ans avant sa mort, survenue le 26 octobre 2002, le général Massu donne entièrement raison à Jacques de Bollardière. 

En effet, le 22 juin 2000, dans Le Monde, Massu avoue qu'avec le recul la torture ne lui paraît « pas indispensable en temps de guerre » et qu'on pourrait « très bien s'en passer. » « Quand je repense à l'Algérie, cela me désole », déclare-t-il. « Tout cela faisait partie d'une certaine ambiance, à cette époque, à Alger. On aurait pu faire les choses différemment. »

Simone de Bollardière ajoute, dans L'Humanité du 28 octobre 2002, "Massu a obéi aux ordres d'un pouvoir politique qui porte l'entière responsabilité d'avoir donné les pleins pouvoirs à l'armée, laquelle a institutionnalisé la torture en Algérie. Mon mari a dénoncé cette situation. Massu, lui, l'a couverte."

 

Pour approfondir

  • Des chrétiens dans la guerre d’Algérie – L’action de la Mission de France , de Sybille Chapeu, Éd  de l’Atelier/Coll. Patrimoine.
  • Nous étions tous des terroristes – L’histoire des « barbouzes contre l’OAS en Algérie », de Lucien Bitterlin, Éd du Témoignage Chrétien.
  • Imaginaires de guerre – Les images dans les guerres d’Algérie et du Viet-Nam , de Benjamin Stora, Éd La Découverte/Poche.
  • Les porteurs de valise – La résistance française à la guerre d’Algérie, de Hervé Hamon/Patrick Rotman, Éd du Seuil, Coll. Points/Histoire.
  • Malaventure en Algérie avec le général de Bollardière, de Roger Barberot, Éd Plon.
  • Un enfant dans la guerre  (Le témoignage d’une victime de torture) de Saïd Ferdi, Ed. du Seuil.
  • Le film d'André Gazut : « Le Général de Bollardière et la torture ».

 


[1] Bataille d’Alger, bataille de l’homme , de Jacques de Bollardière, Éd. Desclée de Brouwer.

[2] Combattants de la non-violence. De Lanza del Vasto au Général de Bollardière, par Jean Toulat, Ed. du Cerf.

[3] Voir La gangrène et l’oubli. La mémoire de la guerre d’Algérie, Benjamin Stora, Éd. La Découverte.

[4] Voir  Les crimes de l’armée française – Algérie 1954-1962 , dossier réuni par Pierre Vidal-Naquet, Éd. La Découverte/Poche.

[5] Voir  Services spéciaux Algérie 1955-1957 , par le général Aussaresses, Éd. Perrin.

[6] La vraie bataille d’Alger,  par le général Massu, Éd. Plon

[7] Op. cit.

[8] Op. cit.

[9] Op. cit.

[10] Op.cit.

[11] Lire Histoire de la guerre d’Algérie 1954-1962,  Bernard Droz/Evelyne Lever, Seuil, Coll. Points/Histoire.

[12] À lire impérativement, l’excellent dossier  Jacques de Bollardière – Compagnon de toutes les Libérations , par Guy Boubault, Benoit Gauchard et Jean-Marie Muller, Dossier N°4 de Non-Violence Actualité.


Article écrit par Patrice Coulon.

Article paru dans le numéro 161 d’Alternatives non-violentes.