Portrait de Jacques de Bollardière, compagnon de toutes les libérations

Auteur

Jean-Marie Muller

Année de publication

2014

Cet article est paru dans
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Né en 1907 et décédé en 1986, Jacques Pâris de Bollardière fut officier de l’armée française. Il est devenu un militant de la non-violence après avoir appris pendant trois guerres que la violence était incapable d’apporter une solution humaine aux conflits. Le 7 juin 2014, Jean-Marie Muller a présenté Jacques de Bollardière comme compagnon de toutes les libérations devant le mur de la Paix à Paris.

Texte lu le 7 juin 2014 devant le mur de la Paix à Paris.

Aujourd’hui encore, vingt-huit ans après sa mort, le nom de Jacques de Bollardière reste un repère sur la route de celles et ceux qui sont en quête de raison dans ce monde déraisonnable. Cet homme libre sut, en effet, se frayer un chemin à travers les ronces des préjugés, des conformismes et des idéologies pour parvenir à quelques convictions dont il avait la certitude qu’elles donnaient un sens à son existence et à notre histoire. Sa vie fut jalonnée par trois ruptures majeures qui prirent l’apparence d’actes de désobéissance et qui furent chaque fois sanctionnés comme tels. Ces actes exprimaient d’abord une fidélité à une loi supérieure qui s’imposait à sa conscience et qui lui intimait l’ordre de résister à l’engrenage de la déraison.

En 1940, il est condamné à mort par un tribunal de Vichy pour avoir affirmé sa détermination à continuer à lutter contre les forces totalitaires qui envahissaient l’Europe.

En 1957, il est enfermé pendant deux mois dans une forteresse pour avoir dénoncé les violations des droits de l’Homme dont la France était responsable en Algérie.

En 1973, il est mis à la retraite par le Ministre de la Défense pour avoir protesté par une action directe non-violente contre la dissuasion nucléaire de la France qui est fondée sur la préméditation d’un crime contre l’humanité. Voici donc qu’un officier général dont les états de service sont particulièrement remarquables est devenu un militant de la non-violence. Pareil itinéraire peut paraître inconcevable. Pourtant, à ses yeux, il avait la simplicité de l’évidence. C’est précisément parce que, pendant trente longues années de sa vie, il avait expérimenté les moyens de la guerre qu’il était parvenu à la conviction que la violence était incapable d’apporter une solution humaine aux inévitables conflits qui constituent la trame de l’histoire. En choisissant la non-violence, il ne reniait pas ce pour quoi il était devenu soldat, c’est-à-dire protéger le droit et, le cas échéant, rétablir la justice. La Croix de l’ordre de la Libération qu’il reçut des mains mêmes du général de Gaulle en 1941 est restée à ses yeux le symbole de son existence.

La non-violence lui permit de surmonter la contradiction qui se trouve inscrite en toute violence et à laquelle il s’était heurté pendant tant d’années. La non-violence le réconcilia avec lui-même en lui permettant d’atteindre l’universel. « Peu à peu, assurait-il, j’ai découvert cette certitude qui m’émerveille : la non-violence est une nécessité vitale inscrite en filigrane dans le destin de notre espèce. » En devenant un combattant de la non-violence, il voulut être un compagnon de toutes les libérations.

 

Quelques repères

Né en 1907 et décédé en 1986, Jacques Pâris de Bollardière fut officier général de l’armée française, combattant de la Seconde Guerre mondiale, de la guerre d'Indochine et de la guerre d'Algérie, avant de devenir un fervent militant de la non-violence.

De sergent-chef à général de brigade, sa carrière militaire fut jalonnée de promotions et de décorations. Il est, en outre, le seul officier supérieur à avoir condamné ouvertement l’usage de la torture pendant la guerre d’Algérie. Il démissionna en 1961, faute de poste en Algérie. Par la suite, il devient membre actif du Mouvement pour une alternative non-violente (MAN). Il participe notamment au mouvement de défense du Larzac contre l’extension d’un camp militaire. En juillet 1973, il est arrêté au large de Moruroa en compagnie de J.-M. Muller, J. Toulat et B. Lalonde, alors qu’ils manifestent de manière non-violente contre les essais nucléaires atmosphériques. Il est aussi un des théoriciens de la défense civile non-violente.

 

Lectures

• Bollardière J., Bataille d’Alger, bataille de l’homme, Paris, Éd. Desclée de Brouwer, 1972.

• Bollardière J., La guerre et le désarmement, Paris, Robert Laffont, 1976.

• Collectif, Le bataillon de la Paix, Paris, Éd. Buchet-Chastel, 1974.


Article écrit par Jean-Marie Muller.

Article paru dans le numéro 172 d’Alternatives non-violentes.