Turquie : contestation, répression et créativité

Auteur

Patricia Cartigny

Localisation

Turquie

Année de publication

2014

Cet article est paru dans
170.jpg

Cet article est issu des conférences de Pinar Selek à Nancy (déc. 2013). Elle participera au prochain forum du MAN avec notamment un débat le 23 juillet.

La république turque est une démocratie fragile, née en 1923, juste après le génocide arménien. Elle est marquée par plusieurs coups d’État dont le dernier en 1980 a été suivi par un régime militaire très répressif.


Nouveaux mouvements sociaux

Le mouvement féministe, créé dans les années 1960 par des femmes de gauche, antimilitaristes, est rejoint par les LGBT (Lesbiennes, gays, bi et transsexuels) qui font les mêmes analyses de la situation politique. Le mouvement kurde quant à lui se développe à partir des années 1980 autour du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan). avec une pratique de guérilla et de lutte armée.

Un nouveau cycle de contestation s’ouvre avec les écologistes sociaux et les anarchistes qui utilisent des méthodes innovantes (« compagnies » artistiques, conférences de presse, etc.) et contournent ainsi les contraintes du régime interdisant associations et manifestations.


Convergence des luttes

Dans ce contexte de répression, l’existence d’un répertoire militant commun (mise en cause du système capitaliste néolibéral, du sexisme, de la militarisation de la société) avec des militants multi-engagés permet la convergence des différents groupes au-delà de leurs conflits. Des collectifs ponctuels s’appuient sur des réseaux étendus et une démarche pragmatique (fonds européens, médiatisation, etc.) pour renforcer leurs actions.

Les débats théoriques sur les objectifs et les modes d’action restent intenses. Dans les collectifs, le choix affirmé de la non-violence, rendu possible par l’organisation de stages d’action non-violente, accorde aux mouvements protestataires le soutien de l’opinion publique.


Détermination et répression

La contestation déclenchée en mai 2013 autour de la place Taksim ne s’arrête pas malgré la répression sanglante de l’État turc. Avec certes peu de visibilité, la mobilisation se poursuit à la manière d’un marathon : groupes de travail juridique, forums dans les parcs ou les centres culturels, utilisation des nouveaux médias, liens internationaux.

Pinar Selek est une sociologue et écrivaine turque, féministe et non- violente. Victime d’un acharnement politico-judiciaire depuis 1998 en raison d’un travail de recherche sur la question kurde, elle a été condamnée à la prison à vie pour terrorisme sur la base de preuves fabriquées. Elle est exilée en France depuis plusieurs années et paie au prix fort son engagement auprès des minorités et pour la justice sociale.

Aux frontières de l’Europe, nous savons grâce à Pinar Selek que la société civile turque invente une forme originale de mobilisation politique.


Article écrit par Patricia Cartigny.

Article paru dans le numéro 170 d’Alternatives non-violentes.