Fillettes hypersexualisées, un destin tout tracé

Auteur

Christine Laouénan

Année de publication

2014

Cet article est paru dans
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Souvent à des fins commerciales, les filles sont appelées de plus en plus jeunes à devenir des femmes. On leur impose la loi de l’apparence qui se doit d’être sexy. Leur développement psychologique en est affecté : comment bien grandir quand on saute toutes les étapes ? Les risques comportementaux et mentaux sont bien trop élevés et les pouvoirs publics sont obligés de se saisir de la question.

Éduquée pour séduire et pour se transformer en objet sexuel, une nouvelle génération de pré-adolescentes se prépare un avenir de soumission, au risque de devenir un corps marchand pour le bénéfice d’exploiteurs en tous genres.


Arborant des tenues sexy, elles endossent tous les attributs de la femme sexy et miment sa gestuelle séductrice : mouvement de hanche suggestif, regard énamouré…

Mini-femmes fatales, elles ont pourtant l’âge de jouer au ballon ou de discuter avec leurs copines dans la cour de récréation. Agées de 8 à 11 ans, ces Lolitas sont victimes de sexualisation précoce, « l’action qui consiste à donner un caractère sexuel à un produit ou à un comportement qui n’en possède pas en soi. », selon Pierrette Bouchard 1, professeure à l’Université Laval (Québec).

Aguicheuses, ces nymphettes ont perdu leur innocence enfantine. En pleine période de latence, elles ont pourtant besoin de puiser des ressources dans leur imaginaire pour bâtir leur intimité et leur sexualité future. Propulsées sur la scène de la séduction, elles miment une sexualité adulte, sans avoir la maturité émotionnelle et psychique pour la gérer et pour y porter un regard critique.

Ces « mini-vamps » qui se forgent une idée de la sexualité centrée sur la consommation deviennent ainsi prisonnières de l’image qu’elles projettent : vulnérables et totalement soumises au regard et au désir de l’homme qui dispose de leur corps à son gré.

« Évidemment, ce ne sont pas tous les enfants qui adoptent ces comportements, et rares sont ceux qui les maintiennent à long terme, bien qu’ils participent tous, dans une certaine mesure, à cette culture sexualisée », soulignent des auteurs canadiens 2.

Si ce phénomène a été dénoncé, il y a déjà quelques années, en particulier au Canada, les pouvoirs publics français sont désormais sensibilisés à ce risque. Dans le rapport Contre l’hypersexualisation : un nouveau combat pour l’égalité, la sénatrice Chantal Jouanno dénonce les dégâts psychologiques pour ces enfants hypersexualisés.

« Cette survalorisation de l’apparence et de la séduction véhiculée par cette hypersexualisation comme mode de rapport à l’autre comporte des risques pour la santé physique des jeunes filles dont les troubles alimentaires, l’utilisation récurrente de régimes amaigrissants dès le plus jeune âge, la consommation de drogue et d’alcool, le tabagisme, le recours aux chirurgies esthétiques, les relations sexuelles précoces à risque, les troubles d’ordre sexuel, incluant la perte du désir, ainsi que le cortège de problèmes liés à la contraception, aux infections transmises sexuellement et aux interruptions de grossesse » 3.

Aussi, les parents doivent-ils être conscients des enjeux de l’hypersexualisation qui risque de transformer leurs enfants en objets sexuels.



Les concours de minimiss interdits

En septembre 2013, le Sénat a interdit les concours de beauté pour les enfants de moins de 16 ans, les concours de « mini-miss », à l’occasion de la fin de l’étude du projet de loi sur l’égalité des femmes et des hommes. « Ne laissons pas nos filles croire dès le plus jeune âge qu’elles ne valent que par leur apparence. Ne laissons pas l’intérêt commercial l’emporter sur l’intérêt social », a souligné Chantal Jouanno, l’auteure de cet amendement.
 

 

1. Bouchard Pierrette, Bouchard Natasha et Boily Isabelle, La sexualisation précoce des filles, Montréal, Sisyphe, 2005, 80 p.

2. Goldferb Lilia, Guide d’accompagnement pour les parents et les filles préadolescentes, Montréal, Fondation Y des femmes de Montréal, sexualisation précoce, 2006, 40 p. Disponible sur Internet : http://www.ydesfemmesmtl.org/wp-content/uploads/2015/06/sexualisation-precoce-fr-2010.pdf

3. Jouanno Chantal, Contre l’hypersexualisation, un nouveau combat pour l’égalité, 2012, 161 p. Disponible sur Internet : http://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_hypersexualisation2012.pdf


Article écrit par Christine Laouénan.

Article paru dans le numéro 170 d’Alternatives non-violentes.